mardi 30 avril 2024

Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat...

Il y a quelques années, quand j’étais encore gérant de Natura Mundi, j’avais promis à mes clients d’écrire un texte présentant les bénéfices multiples de choisir la voiture électrique en remplacement de nos chères « thermiques ».
Je me souviens qu’à l’époque, je m’étais pris une pluie de message négatifs, dénonçant la voiture électrique comme la pire des solutions pour « sauver le climat »… Le tout associé à des arguments creux, infondés et même parfois carrément fallacieux.
J’avais été assez dégoûté du parti-pris de certains et j’avais finalement renoncé à faire une telle synthèse. Je trouvais notamment bien déplaisant que ceux qui me « tiraient dessus » n’aient pas eu la délicatesse d’attendre mes arguments et alors seulement, chercher à les réfuter !
Le dossier en est resté là, et de mon coté, j’ai continué à partager ma passion de la voiture électrique (car je roule électrique depuis plus de 12 ans) avec les amis qui comme moi roulent en électrique. Et qui sont bien évidemment non seulement convaincus de bien faire, mais qui ont tout comme moi pris le temps de bien réfléchir aux enjeux et qui tout comme moi encore ont regardé un peu plus loin que les apparences !
Quelle n’a pas été ma surprise en découvrant il y a deux mois la sortie d’un livre de Cédric Philibert qui s’intitule tout simplement : « pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat ».
C’est un super-bouquin que je vous recommande de lire si le sujet vous intrigue, vous passionne ou si simplement, vous cherchez à avoir bonne conscience d’acheter une voiture électrique. Ce livre est une excellente synthèse et mon propos n’est pas ici de vous le présenter davantage, si ce n’est que je trouve qu’il est très complet, très argumenté, avec beaucoup de références, et en même temps assez facile à lire. 

Je voudrais juste profiter de ce billet dédié à ce livre pour rajouter quelques réflexions :
Hormis des nullités comme « elle est pas belle » ou « y’a pas assez d’autonomie » ou encore « moi, faut que ça fasse du bruit », les arguments principaux que j’entends contre la voiture électrique sont de trois ordres : politiques et sociaux, environnementaux et minier, et enfin énergétiques.

* Politiques parce que certains voient dans la « bagnole » électrique chère à notre Président (à qui nous devons tous respect et obéissance parait-il) le symbole même de la sainte « croissance » et du capitalisme avec tous ses défauts. Et donc d’associer ce déni politique à cette innovation...

* Sociaux parce qu’on présente la voiture comme le résultat de la réussite de certains au détriment des autres, sous couvert d’un discours qui prône l’égalitarisme et fait une opposition dogmatique de nos quatre roues envers les transports en commun.

* Environnementaux, car on nous démontre que plus de voitures signifie plus de routes… Et que plus de routes signifie plus d’infrastructures routières et donc d’investissements qui au final ne se révèlent pas si rentables que ça… Le meilleur exemple près de chez moi est l’aberration de la construction de l’A69, entre Toulouse et Castres, où toutes blagues mises à part, le bon sens fait un sacré 69… On n’irait pas dire que des intérêts privés seraient derrière, on serait encore accusé, à la va-vite, de complotiste… Et pour revenir à la croissance du nombre de kms de routes, eh bien il paraît logique que la route appelle la voiture et que la voiture appelle la route…

* Minier, car on nous explique que les voitures électriques, du fait de batteries conséquentes sont plus lourdes, donc plus grosses, donc demandent davantage de métaux (et donc de minerai) pour les construire… Et cela sans même aborder deux autres sujets qui font tout le temps la une des journaux à sensation : le (faux) problème du lithium, et encore plus celui du cobalt et du coltan…

* Énergétique enfin, car l’argument principal, tout droit sorti de l’école maternelle, c’est que pour faire toute l’énergie électrique qu’il faudra mettre dans les batteries des voitures électriques, ben… faudra plus de centrales nucléaires !!! Si, si, je vous assure, y’a des gens bien-pensants qui croient à cet argument. Et qui seraient prêts à vous prendre feuille, crayon et calculette pour vous le démontrer en quelques lignes…

Bon, c’est pas tout ça… Reprenons calmement :

L’aspect politique : je ne vois pas en quoi il y a incompatibilité à défendre des idées écologistes et en parallèle de croire dans la voiture électrique. Trop de personnes confondent but et moyen… Si le moyen d’arriver à une société plus juste (voir-ci dessous le volet social) passe par l’adoption de la voiture électrique, pourquoi la condamner d’entrée ? Si le but est de vivre en harmonie avec notre environnement dans une société fondée sur une économie circulaire quant aux matières premières, sans émission de produits toxiques, avec une répartition des richesses basées sur un meilleur partage des valeurs ajoutées de notre économie, alors la voiture électrique y a toute sa place. Place oui, mais effectivement pas une place centrale… En tout cas, pas partout, loin de là… Et rajoutons que la voiture thermique, elle n’y a pas du tout sa place, ni le bus au diesel, ni la locomotive au diesel…
Malheureusement, au lieu de comprendre cela, nous les européens, et donc de soutenir une voiture « cohérente » avec un parc relatif et calculé, proportionné même… on voit se profiler un capitalisme à la con. Je vous laisse découvrir ça ici... 

L’aspect social : Avant d’aborder ce sujet, faisons un aparté. Je déteste imaginer que demain nous serons baignés dans un monde d’IA… Sauf sur un point : la conduite autonome… Je pense que nous sommes à la veille d’une révolution qu’on ne peut encore imaginer dans ses conséquences sociales :  la voiture autonome, ou encore le robot-taxi va changer la donne pour tous : posséder une voiture qu’on n’utilise qu’à 1 % du temps n’a aucun sens en terme de coût… Personne n’imagine posséder un bus pour se déplacer. C’est pourtant ce que font tous les automobilistes avec un bus à 2 ou 4 places… On peut imaginer un avenir proche où la voiture autonome, disponible à la demande sur 90 % du territoire, via des applis sur les portables, ne sera pas la propriété d’un particulier, car trop cher, mais la course à la demande sera tellement bon marché que se déplacer autrement n’aura aucun sens économiquement… L’argent qu’un foyer consacre aujourd’hui à la bagnole (investissement ou emprunt, entretien, carburant, assurance) pourra être mis ailleurs…… Si ça c’est pas du social revu et corrigé…

L’aspect environnemental : c’est bien d’avoir abordé le coté social avant celui-là, car on enfonce ainsi une porte ouverte :  évidemment qu’il est stupide qu’une voiture d’une tonne déplace une seule personne en moyenne sur une distance trop souvent très faible… la voiture autonome partagée résoudra t-elle ce problème ? Je pense que oui… Si elle est partagée, tout comme on partage l’espace dans le train ou l’avion. C’est un concept qui choque aujourd’hui... pas demain. Tout comme on aurait été choqué de dire en 1789 qu’on allait bientôt remplacer les calèches des riches aristocrates par des machines roulant sur des rails de métal pour tout le monde, petits et grands, riches ou pauvres… 

L’aspect minier : alors là, c’est le bouquet… j’adore écouter des personnes spécialistes du secteur comme Aurore Stephan, qui alertent sur l’impossibilité de continuer comme avant, et d’avancer en croyant qu’il suffit de piocher plus… Elles ont raison. Je les rejoins mais je dis qu’il faut piocher mieux… et donc moins. Et d’abord lancer l’économie circulaire en priorité sur le secteur des matières premières minérales et métalliques. C’est une évidence : alors quoi dire à propos du coltan ? La première réponse : faire des téléphones et des écrans réparables et durables, et n’inciter leur usage qu’auprès de personnes qui en ont vraiment l’usage. A t’on besoin d’écrans tactiles (bourrés de coltan) pour envoyer des selfies à ses amis à longueur de journée ? Secondo, lancer la récupération et le recyclage du matériel arrivé en fin de vie, quitte à en faire une obligation légale… 
Quid du lithium ? les arguments avancés font l’amalgame entre le lithium présenté comme un carburant versus la quantité d’essence qu’on met dans un plein de réservoir… Il ne pas confondre l’outil et le consommable : le pétrole c’est du consommable… qui en plus pollue et augmente l’effet de serre. Alors que le lithium est un outil… Sur un cycle de vie d’une voiture, c’est quelques kg de lithium contre des centaines de barils de pétrole… Et ce lithium, on arrive de mieux en mieux à le recycler. On frôle le 99 %. Extraire du lithium, c’est donc constituer un capital… Extraire du pétrole, c’est comme brûler des billets de banque, et s’intoxiquer avec la fumée…
Finalement, cette approche vaut pour tous les autres métaux… Et ne venez pas me parler des terres rares qui ne sont pas rares… Les « terres rares », c’est un terme qui classe dans une colonne du tableau de Mendeleïev certains types d’atomes, qu’on a appelé « terres rares », car ils sont logiquement rares sur le tableau, mais pas automatiquement dans les réserves souterraines de notre planète bleue…
Et à propos de cycle de vie d’une voiture, je prends tous les paris qu’une électrique vaut, en terme de temps, d’usure, de kilométrage, et évidemment de coût au moins 5 thermiques… Ma première électrique avait 170.000 kms quand je l’ai vendu il y a 7 ans à un taxi, qui était ravi de son achat. Elle roule encore aux dernières nouvelles (et a dépassé les 700.00 kms…). La seconde a déjà dépassé les 350.000 kms, pour une perte de batterie de 16 % seulement… Et à part quelques menues réparations, rien à signaler, si ce n’est que les plaquettes sont encore d’origine (le frein régénératif est prioritaire et comme je conduis « éco », je l’utilise quasiment en exclusivité).

L’aspect énergétique : ah… celui-là, je l’ai gardé pour la fin tellement la patate est en fait un croissant chaud et croustillant… Abordons successivement le rendement, la recharge et le stockage, et pour finir l’écoconduite… Si vous lisez le livre de Cédric Philibert (vraiment, je vous le recommande), vous trouverez tout le détail de ce qu’on appelle un rendement. A quantité d’énergie équivalente, la voiture électrique atteint aujourd’hui des rendements de l’ordre de 90 à 95 % (on frôle les 98 % sur certaines Tesla), alors que les meilleurs voitures thermiques peinent à dépasser les 35 %. Sachant que les centrales thermiques (celles qui brûlent du charbon mais aussi du pétrole ou du gaz) ont des rendements de l’ordre de 60 %, on aurait tout intérêt, à l’échelle d’une nation, à tous adopter les voitures électriques et utiliser l’essence à la pompe pour alimenter les centrales… On aurait un gain global d’au moins 30 % (j’entends d’ici les mauvaises langues dirent que dans mon calcul de ne tiens pas compte des pertes dû au transport électrique)...

Ensuite vient la réflexion à propos de l’origine de l’électricité actuellement mise dans les voitures électriques… Évidemment, si vous rechargez en France à une heure de grande consommation, vos électrons stockés seront issus du gaz, du fuel ou des centrales nucléaires. C’est encore plus vrai en hiver qu’en été... Mais ça c’est l’arbre qui cache la forêt. Car l’intérêt de la voiture électrique (qui passe plus de temps à être immobile sur un parking ou un garage qu’à rouler sur la route), est rechargeable la nuit, dans les phases dites d’heures creuses. Et sa recharge peut se programmer. C’est d’ailleurs  dans la perspective d’une telle révolution qu’on a inventé le compteur Linky, pour être en mesure de facturer l’électricité selon le type de consommation qu’on en fait… Y’en a qui n’ont pas perdu le nord quant à la défense de leurs intérêts…

Disons-le franchement, la voiture électrique n’est pas la solution pour une entreprise qui fabrique de l’électricité nucléaire, c’est au contraire sa concurrente… En France, l’opérateur principal cherche à construire des STEP (stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage) pour tamponner ses excès de production de centrales nucléaires qui ont la désagréable habitude de ne pas être souples… Quand une centrale atomique produit de l’électricité en masse, difficile de la modérer… Et donc que faire de l’excès de production ? Si un petit malin pouvait la stocker pour mieux la facturer au moment des heures de pointe, bingo ! De là des projets délirants, pas du tout écolos comme le barrage de Grand Maison, ou celui de Montézic très applaudi ces temps-ci...
On peut lire ici que la station de Montezic peut stocker « autant d’énergie que 760 000 batteries de voitures électriques. Avec une capacité de 38,8 GWh, la station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (STEP) de Montézic est le second plus grand site de stockage d’électricité en France ».

Faisons un petit calcul : 38,8 GWh qu’on divise par 760.000 voitures, ça fait une batterie de 50 kWh par voiture… Il y a actuellement 38 millions de voitures dans l’hexagone, avec un renouvellement de 10 ans environ… Si on imaginait que dans 10 ans, on disposait de 38 millions de batteries de 50 kWh, ça ferait une capacité de stockage de 1900 GWh théorique… même si on ne devait exploiter que 10 % de ce potentiel, on serait au dessus de nos besoins futurs…
Mais à une condition : autoriser, généraliser et encourager le système V2G, ou Vehicle-to-Grid.
Qu’est ce que le V2G ? Cette technologie bidirectionnelle permet à une voiture non seulement de se recharger à partir du réseau, mais aussi de renvoyer de l’énergie en période de forte demande de manière synchronisée avec le réseau d’électricité. En d’autres termes, quand vous achetez votre voiture électrique, on pourrait en fait vous proposer de valoriser votre achat en devenant fournisseur d’électricité pour la communauté… quand elle en a besoin, et sous réserve que vous soyez en phase d’excès… Conditions qui peuvent se concorder bien plus souvent qu’on le croirait au premier abord… Mais si vous achetez de l’électricité à petit prix pour la revendre à prix plus élevé, alors malheureusement, vous êtes en concurrence avec les grands de ce monde… On a donc une solution évidente, partagée, sociale, politique, écologique, économique, énergétique.. Une vraie solution quoi... 100 fois plus intéressante que les STEP, mais non, on n'en parle pas... surtout pas toucher aux portefeuilles de certains.

C’est le premier mot de la fin : acheter aujourd’hui une voiture électrique n’a de sens que pour ensuite aller demander à votre constructeur qu’il vous installe un kit V2G (je tanne le mien sur ce sujet à chaque fois que je peux)… Si le consommateur choisit ce type de subtilité, tous les constructeurs s’y mettront. Et ce jour là,  notre méprisant Président n’aura plus aucun argument pour nous faire croire que la pénurie d’électricité menace nos foyers… Si en plus, une vague de panneaux solaires s’installe sur les toits un peu partout, c’est un tout autre monde qui se dessine...

Le deuxième mot de la fin est bien différent. Quand j’étais jeune, je rêvais d’avoir une Porsche… Pas une 911, car trop classique mais une 944… C’était un rêve de grand gosse. Mais je n’arrivais pas à concilier ce caprice avec mon envie de ne pas polluer et surtout ne plus mettre un centime dans la géopolitique pétrolière… En 2012, quand est sorti la Tesla Model S, j’ai choisi d’acheter une voiture de course (je le croyais, mais en fait non...) sans avoir à nourrir les pétroliers. Évidemment, ma femme était à moitié contente. Contente de voir que je me mettais à l’électrique, mais ennuyée de me voir au volant d’un tel bolide et de faire des excès de vitesse… C’est l’inverse qui s’est produit. Devant les courbes sur l’écran de l’ordinateur qui nous montrent l’efficience de notre conduite en kWh (chose que ne peut pas faire un thermique, même hybride), on dépasse vite ce coté frimeur et m’as-tu-vu pour adopter l’écoconduite.
Je peux en témoigner : à ce jour, j’ai cumulé 525.000 kms en voiture électrique (sur deux voitures de 370 puis 440 chevaux…) et l’envie de faire vroom vroom m’a complètement quitté... Je consomme en moyenne 220 Wh par km… mais ma voiture fait hélas plus de deux tonnes. Une particularité aujourd’hui, une aberration demain, je vous l’accorde...

Ah au fait, à Montézic, y’a un projet dit « Montézic 2 » : qui veut augmenter non pas la quantité d’énergie stockée, mais la capacité à utiliser de l’énergie de pointe… Coût des travaux (estimés… ) : 500 millions d’euros. C’est le coût approximatif de 100.000 batteries de 50 kWh. Cherchez l’erreur !
Si cet argent était consacré à installer des batteries fixes de 5 kWh dans un million de foyers en France, on ferait là, en plus de l’effet tampon sur le réseau, une action éducative incitant à l’éco-consommation… Voilà ce qui s’appellerait faire de la politique à visée sociale avec impact environnemental, minier et énergétique intéressant. C’est pour cela que j’aime les vraies causes écologistes. Parce qu’au final elles sont globales et cohérentes…

Et juste pour enfoncer le clou encore, vu sur la page citée ci dessous : « Le pompage de l'eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur consomme plus d'énergie que le turbinage n'en crée. Avec un rendement énergétique de 75%,  le complexe hydro-électrique de Grand’Maison consomme ainsi 300 GWh de plus qu’il n’en produit. ». 25 % de perte donc… alors que sur les batteries, c’est 10 %, et dans mon raisonnement, c’est réparti dans le tissu social, au profit du particulier, pas du capitalo…

3 commentaires:

  1. Merci Mr Astier pour cette analyse .
    comme toujours je lis avec beaucoup d'attention et de plaisir vos messages.

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  2. Domenech Henri2 mai 2024 à 17:09

    aspect médical : est il bon pour la santé de rouler sur une batterie électrique pendant 800 km lorsque l'on est électro-sensible ?

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    1. Très bonne question ! Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'avais entendu dire d'une source qui apparemment était basée sur des données scientifiques assez fondées que les champs magnétiques générés par les mouvements des roues (pneus, jantes...) sur tous les véhicules étaient bien supérieurs à ceux générés par les courants continus des faisceaux installés sur les voitures, 12 volts ou au delà... Je ne sais pas si c'est vrai, mais en tout cas, pour l'instant, je n'ai jamais rencontré de personne électro-sensible qui ne puisse monter dans une voiture thermique ou électrique... jusqu'à preuve du contraire ! Je suis preneur de tout retour sur ce point.

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