mercredi 24 décembre 2025

L’incroyable histoire d’une herboriste qui aimait Noël…

    Il y a bien longtemps de cela, vivait une herboriste dans un petit village tout proche d’une grande cité du sud de notre beau pays. Pourquoi cette dame s’était installée ainsi, moitié à la campagne, moitié à la ville ? Son quotidien était d’aller vendre sur les marchés le fruit de ses cueillettes. 
    A cette époque, les herbières (car le mot « herboriste » n’existait pas encore) étaient regardées d’un mauvais œil : il n’y avait que le divin qui avait pouvoir d’améliorer la santé… Le curé de la paroisse le répétait à tue-tête : « seul Dieu guérit ».

    Cette grande dame était une héroïne. Elle était fort appréciée pour son savoir et davantage encore reconnue pour son savoir-faire. Elle conseillait avec discernement ses plantes et savait habilement réaliser des mélanges de plantes, qu’elle appelait des composés (aujourd’hui, on appelle ça vulgairement des tisanes). Elle avait réussi à obtenir la sympathie du médecin de la ville. Il faut dire qu’elle était experte en tant que sage-femme, et lui, il ne voyait guère ces évènements comme les meilleurs moments pour déployer sa science… Un accord tacite s’était instauré entre eux deux et par la suite, combien de fois cet officiel praticien public n’avait eu recours à cette associée de fait, à ses savoirs de bonne renommée, de « bona fama » qu’on disait dans le patois local… 
    Si à l’époque vous aviez eu l’opportunité de croiser cette modeste dame des plantes vous auriez remarqué qu’elle était toujours accompagnée d’une jeune âme… Car toujours, elle tenait près d’elle un apprenti. Enfin… plus exactement une apprentie, car les jeunes garçons n’avaient pas souvent la passion pour ces choses-là…

    Au fil du temps, elle avait ainsi créé une petite famille de tous ses enfants spirituels qu’elle avait formés. Dans les préceptes qu’elle leur transmettait, elle revenait toujours à l’importance de ramasser les plantes vers la Saint Jean, c’est à dire au solstice d’été. Évidemment, elle savait que certaines plantes devaient être cueillies au printemps, d’autres à l’automne selon les parties concernées, et en lien avec leurs meilleures actions. Mais la pleine saison était pour elle le mois de la Saint Jean.
    Notre reine des plantes n’avait pas connaissance que les simples (entendez ici les plantes médicinales) contenaient des principes actifs, comme nous le savons aujourd’hui. Mais elle expliquait à son apprentie qu’à la Saint Jean les forces divines étaient envoyées vers les plantes et  les arbres, alors qu’en hiver elles envoyaient au contraire leurs vertus vers les enfants de Dieu… Pour elle, enfanter en fin de cette période hivernale lui semblait couler de source.

    Un jour, une jeune novice, bien débutante, et qui n’accompagnait notre grande dame que depuis peu, lui affirma que l’hiver était une bien vilaine période puisque le ramassage des plantes était totalement ajourné, aux antipodes de cette grande période ensoleillée de l’été. 
    Voyant le grand sourire moqueur de sa professeur, la jeune candide insista… Non seulement les ramassages ne pouvaient se faire, mais le séchage non  plus ! Il faisait trop froid pour cela. Pire, l’humidité était partout, et les plantes sèches difficiles à conserver en l’état… Elle osa même lui dire que l’hiver était peut-être bien une invention du diable tout bonnement… Elle enchérit même en lui rappelant que les autres ramasseuses cueilleuses pensaient comme elle, que l’hiver ne valait pas l’été, et que pour les gens du métier, la seule belle période était le cœur de l’été, avec comme clé de voûte le moment de la Saint Jean…

    Notre herbière coupa la parole à cette imprudente et un dialogue fort émouvant commença :

 - Que me racontes-tu là… Ouvre les yeux et regarde donc un peu mieux comment Dieu a créé le monde. S’il a établi une période intense pour notre mission qu’est l’été, ne vois-tu pas qu’il nous a surtout demandé d’aimer son œuvre à travers le changement ?

- Je ne comprends pas…

- Tu sais bien que le soleil est plus haut dans le ciel en été et plus bas, plus proche de l’horizon, en hiver, n’est ce pas ?

    Mais notre grande dame du jour ne lui laissa point le temps de répondre et continua son explication aussitôt, levant les bras vers le ciel..

- Les plantes sont sensibles à ce phénomène, et au printemps, la sève est comme entraînée vers le haut, plus facilement, comme si le soleil l’attirait vers le zénith. Évidemment, ce n’est pas le soleil qui provoque cela directement, mais la coïncidence est marquante… Après ça, n’as-tu pas remarqué que les plantes et les arbres, passé la Saint Jean, s’affairent à faire mûrir leurs fruits et leurs graines ? Les fleurs se fanent au cours de l’été, l’automne annonce les moissons, les vendanges. Bref, le temps de cueillir les fruits. Et pour certaines, de les garder pour tout l’hiver…

    Elle marqua un temps d’arrêt pour être sûre que sa jeune compagne avait bien saisi. Sur ce, elle enchaîna :

- Pour les animaux c’est l’inverse et pour les humains un peu aussi : si tu observes bien, la plupart des animaux mettent bas à la fin de l’hiver. Pour les femmes, c’est aussi une période idéale, bien que le Seigneur ait opté pour un accouchement des femmes à n’importe quel moment de l’année…

- Oui, enfin, je vous vois venir, vous allez me dire que c’est pour cela qu’on fête Noël au solstice d’hiver. Pourtant, les femmes, vous venez de le dire, accouchent plus tard dans la saison hivernale, d’après vous…

- Oui, petite. Tu as raison de le relever. Mais vois-tu, c’est comme pour la Saint Jean. Là où le soleil est au plus haut pour les plantes, à Noël, il est au plus bas pour nous signifier qu’un changement s’élabore en secret dans notre corps. Les forces du soleil s’inversent. Et les forces de guérison de notre Seigneur aussi. A travers les plantes qui soignent, cela va sans dire… Si Noël est calé à cette date c’est en fait pour célébrer symboliquement la naissance chez les humains durant cette période hivernale. 

    Après une longue pause, elle poursuivit :

- Vois-tu, le cycle annuel est comme un balancier, un flux sans cesse renouvelé. Et c’est de ce changement d’axe, au moment de la Saint Jean, tout comme à Noël, que la vie reçoit les forces de notre Seigneur… Les forces du soleil, qui changent à chaque solstice doivent s’apprécier ainsi. Ne regarde pas l’hiver comme le signe du malin… C’est au contraire parce que l’hiver est difficile et que nous le vivons péniblement que nous apprécions autant l’été…

- Oui Madame… répondit l’enfante… Je crois que je me suis laissée emporter par de mauvaises pensées…

- Dorénavant, efforce-toi de regarder le soleil non pas comme l’astre du jour, celui qui apporte la lumière, mais l’astre de l’année, celui qui envoie un message de croissance. Et replace à chaque fois ton corps et ton âme dans la phase où il évolue. Monte-t’il vers le zénith ou descend-il vers l’horizon ? Et réjouis-toi de le voir descendre car c’est dans cette phase que nous recevons pleinement son énergie bienfaitrice pour nous les humains. Tu remarqueras avec le temps et les retours des personnes à qui tu proposeras des remèdes que tu obtiendras plus facilement de bons résultats durant la seconde période de l’année. Les forces au profit de l’humain sont alors davantage mobilisées ! Évidemment, au printemps, nous recevons aussi l’énergie des plantes qui, elles, sont en forte croissance. Et cela nous profite bien. Nous avons une grande vitalité de ce fait…
C’est là que le solstice d’hiver est un point magique : les forces qui vont impulser la future croissance des plantes du printemps à venir commencent à envoyer leur signal dès le 21 décembre… Plus exactement du 21 au 24… Avoir choisi Noël au 25, soit le lendemain de cette triade énergétique n’est pas un hasard…

    Les deux femmes s’étaient assises au pied d’un grand arbre. Avec de grands gestes, la doyenne continua :

- Il y a un peu moins de 100 ans de cela, le célèbre Theophrast (*), ce fameux médecin des campagnes qui venait d’Allemagne, était passé  dans la région. Ma grand-mère m’a raconté qu’elle l’avait rencontré. Il lui avait montré comment ancrer dans de l’eau les forces changeantes du solstice de l’hiver et du solstice de l’été. Il avait pour cela pris deux petites jarres en terre qu’il transportait avec lui, rangées précautionneusement dans une solide boite en bois… Il remplit de moitié la première jarre avec de l’eau et emboîta la seconde jarre dans le goulot de la première. Les deux embouts étaient faits pour s’imbriquer l’un dans l’autre.
Puis il prit avec de grandes précautions les deux jarres assemblées ensemble dans les deux mains, chaque main tenant une jarre par son socle. Il retourna la première jarre sur la seconde et bien évidemment, l’eau coula de la première jarre dans la seconde. Ma grand-mère m’a expliqué qu’il faisait tourner les jarres en cercle afin de provoquer un tourbillon à l’intérieur. Il paraît qu’il répéta le geste plusieurs fois avant de séparer les deux poteries et de proposer de boire ensuite l’eau ainsi agitée. Il a appelé ça la dynamisation.


- Waouh, génial !

    Levant son doigt d’un air menaçant, la vieille femme rompit son enthousiasme :

Tu crois pas si bien dire (**) ! Mais je t’en conjure, garde ce secret pour toi et n’en parle à personne. Quelqu’un qui te voit faire ça te dénoncera pour sorcellerie, et tu finiras à la Question. Crois-moi, d’autres ont fini sur le bûcher pour moins que ça… Je t’ai cité cette histoire juste parce que je voudrais que tu comprennes que nous sommes sur cette Terre comme des gouttes d’eau dans les jarres. Nous sommes ballottées par les astres et leurs mouvements font les saisons, les forces de vie et de soin. C’est à travers tout cela que le message de notre Seigneur s’exprime...
On a l’impression que le soleil tourne autour de la Terre. On sait maintenant qu’il n’en est rien. Qu’en fait, c’est la Terre qui tourne autour du soleil. Et qu’elle tourne aussi sur elle-même.
Et nous les humains, nous sommes tout simplement pris dans ce tourbillon céleste, mais… Mais qui le sait ? Qui y penses ? Qui en a conscience ?

Vois-tu, sur la Terre, nous subissons un lent vortex qui s’inverse à la St Jean et qui s’inverse encore à Noël. Vois-tu, il y a un temps d’offrande pour les plantes, et un temps de grâce pour les humains… La Saint Jean pour elles, Noël pour nous...


*************

Épilogue : 

    Vous pouvez faire une expérience passionnante ce 24 décembre, soir de réveillon de Noël. Prenez deux bouteilles plastique de même capacité et remplissez l’une d’entre elles de moitié d’eau de bonne qualité (eau de source, eau osmosée, eau filtrée, ou eau faiblement minéralisée). Sans bouchonner les bouteilles mettez le goulot de la seconde à la verticale de la première et à l’aide d’un scotch épais, fixez les solidement ensemble.            Puis, prenez le geste de Paracelse :  retournez les deux bouteilles et lancez une impulsion avec vos mains pour qu’un tourbillon se crée dans le sens des aiguilles d’une montre (à l’inverse si vous habitez dans l’hémisphère Sud). Laissez ainsi l’eau couler d’une bouteille dans l’autre en créant un vortex. Recommencez avec sérénité le geste et ceci durant trois minutes. Nul besoin de se presser… Au contraire le calme qui va vous animer participera au succès de la dynamisation que vous êtes en train de faire sur cette eau…
    A boire à raison d’une petit verre chaque matin pendant la semaine qui vient.

 

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(*)  Philippus Aureolus Theophrastus Bombast von Hohenheim prend le surnom de Paracelse à partir de 1529. La forme abrégée de son premier prénom, Theophrast, semble avoir été la forme employée de son vivant. (Source : Wikipedia).

 (**) L'expression "génial" existait bien au XVIe siècle, mais son sens différait de celui que nous lui connaissons aujourd'hui. À cette époque, le mot "génial" venait du latin "genialis" et était utilisé dans le sens de « fécond » ou « agréable ». Ce terme était lié à l'idée de quelque chose de naturel, inspiré, voire doté d'une sorte de pouvoir ou d'esprit, souvent en lien avec le concept de "génie" qui désignait un être surnaturel ou mythique doté de pouvoirs magiques. Ce n'est qu'avec le temps que "génial" a pris le sens moderne d'« extraordinaire », ou « remarquable » qu'on lui attribue aujourd'hui. Ainsi, au XVIe siècle, "génial"  signifiait quelque chose de lié à la fécondité.

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